La magie du vol libre a encore frappé ! D’un projet imaginé il y a 8 ans par quelques pilotes locaux, il a fallu attendre ce 9 mai 2025 pour réaliser l’exploit. Ce vendredi, toutes les conditions étaient enfin réunies pour tenter de rejoindre la baie de Somme en décollant de Volmerange-lès-Mines. Un vol d’oiseau de plus de 350 km uniquement porté par le vent et ses courants ascendants d’air chaud.
Ayant repéré la bonne journée 3 jours avant, nous en discutons brièvement sur notre groupe WhatsApp et Etienne me confirme être présent. La veille étant déjà une belle journée pour faire un grand vol de Letanne, je préfère donc négliger cette option afin d’être certain de ma présence à Volmerange le vendredi matin à 10h. En effet, les prévisions météo indiquaient un vent relativement fort à partir de 11h et donc une éventuelle impossibilité de décoller.
C’est Marie-Jo et Etienne qui arrivent les 1er vers 9h20, je les rejoins 20 minutes plus tard. Le vent météo est déjà assez soutenu au décollage, mais c’est jouable. On discute brièvement et décidons du parcours idéal pour atteindre l’objectif en évitant les espaces aériens interdits à nos parapentes. Nous sommes quasiment prêt à décoller lorsque les 2 Christophe arrivent, ils s’empressent donc de déballer leur matériel. Tout est OK pour moi, je me place dans la pente pour décoller. Marie-Jo qui maîtrise parfaitement son rôle d’assistante au décollage maintient ma voile pendant quelques longues minutes sous les fortes rafales de vent qui frappent le déco. Ça y est, une petite accalmie ! Je ne traîne pas, lève ma voile et parviens à décoller du 1er coup, plus facilement que je l’imaginais. Etienne ne traîne pas et décolle 1 minute après. Ce ne fut malheureusement pas le cas des 2 Christophe qui n’ont jamais réussi à décoller seulement 10 minutes après nous.
En l’air, la masse d’air est bien plus forte qu’au sol. Je monte mais n’avance presque pas, je dois utiliser l’accélérateur pour arriver à avancer à 15 km/h face au vent. Il est 10h45 et nous nous attendons à devoir attendre un peu que les thermiques se mettent en marche, mais à notre grande surprise ils sont déjà bien présent et généreux ! J’arrive à monter à 1000m devant le décollage sans vraiment insister et commence même à chercher à descendre pour ne pas entrer dans la TMA au dessus. Les 1ers cumulus sont déjà au dessus de nos têtes mais Etienne veut temporiser un peu car c’est encore tout bleu en partant vers l’Ouest. On transite donc un peu plus au sud pour optimiser notre premier glide vers Bure. On retrouve très rapidement un nouveau boulet de canon qui nous remonte à 1100m dans du +5m/s. Entre temps, les cumulus sont maintenant présent pour baliser notre route. Donc Top départ !
La masse d’air est hyper généreuse, nous devons même nous battre à coup de 360 engagés pour ne pas entrer dans la TMA qui plafonne au dessus de nos têtes à 1220m sur les 4 premiers km. Une fois arrivé au dessus de Rochonvillers, notre limite passe maintenant à 1670m et prenons plaisir à enrouler les thermiques. Mes instruments m’indiquent que le vent moyen est d’environ 30km/h.
Nous avançons vite et efficacement, car à 2 nous optimisons nos chance de trouver les thermiques et nous entraidons à trouver le meilleur taux de montée. Il y a de grosses dégueulantes entre chaque nuages et nous peinons un peu à trouver les thermiques car ils ne sont pas où nous les espérons. Il faudra donc s’adapter à cette problématique mais comme les plafonds montent rapidement à 1800m, nous avons droit à quelques erreurs de placement.
Notre duo est efficace, nous avalons les kilomètres à une vitesse folle jusqu’à Charleville-Maiziere, où la je commets une petite erreur de placement. Etienne trouve un thermique sur ma gauche, le temps que je le rejoigne il avait déjà pris 100m et je ne parviens pas à trouver l’ascenseur. Je décide donc de partir vers une nuelle dans le sens du vent, mais celle-ci aussi me fait une blague et ne m’aide pas davantage… Je commence donc à chercher au sol les potentiels lieux de déclenchement. Je vois un peu plus loin des ondulations dans les champs de blé, cela peut être mon thermique salvateur ? Bingo ! À 300m sol, je retrouve un thermique bien couché par le vent, mais exploitable. Ma hantise à ce moment là étant de trouver des thermiques proches du sol hachés par le vent fort. Mais cela se passe plutôt bien et je remonte doucement, mais sûrement. Trop concentré sur ma survie, j’en ai perdu Etienne de vue mais grâce à nos instruments de vol, je le localise sur mon GPS grâce à son livetracking. Il est resté bien haut sous les nuages, mais 5km plus au nord. Je travaille donc mes transitions dans sa direction pour le rattraper. Mais c’est au tour du réseau téléphonique de nous perturber, je perd Etienne sur mon écran. Mais heureusement nos radios fonctionnent et j’arrive à imaginer sa direction en fonction de ses indications.
Je le rejoins enfin, mais nos situations se sont inversées. Je suis maintenant perché au nuage et lui commence à être très bas. Je reste donc en attente dans une zone ascendante, car je connais le gaillard, il est capable de remonter même à 20m/sol ! Je l’espionne donc d’en haut et je comprend vite qu’il va s’aider d’un champ d’éoliennes pour se tirer de ce mauvais pas. Il trouve effectivement de quoi rester en l’air, sous le vent de ces gros ventilateurs. En radio, je l’encourage à ne rien lâcher. Et ça paye ! Nous arrivons à nous retrouver après 130 km de vol solo, au niveau de Saint-Quentin.
Je suis donc heureux de retrouver mon compagnon de vol, mais également surpris d’entendre tout à coup Marie-Jo en radio ! Quand je comprend qu’elle est sur la route, seulement 20km derrière nous, je n’en crois pas mes oreilles. Elle est d’une efficacité à toute épreuve ! Elle risque même d’être au goal avant nous !
C’est dans cette euphorie que nous arrivons donc au dessus d’Amiens, dans une masse d’air de fin de journée hyper généreuse, avec un vent moyen de 20km/h venant de l’Est. Je jubile car je viens de passer les 300km, qui était mon objectif de l’année. Mais il ne faut pas se laisser distraire, le vol n’est pas fini et nous commençons à apercevoir la mer. Et en même temps l’espoir de pouvoir réaliser cette utopie de poser sur la plage. De belles rues de nuages nous montrent le chemin quand tout à coup Etienne m’annonce qu’il n’a plus de batterie sur ces instruments. Il n’a plus que les bips du vario lorsqu’il est dans une ascendance. Je vois qu’il accélère le rythme alors que moi je suis plutôt à la recherche de la dernière ascendance de la journée, qui me permettra d’avoir la finesse nécessaire à un glide final jusqu’au bord de l’eau. Je trouve enfin cette dernière bulle, qui me remonte à 1900m alors qu’Etienne est presque 2km devant mais sur une ligne moins porteuse. Malheureusement il ne retrouvera rien sur son chemin et posera donc à 10km du rivage. Pour ma part, c’est un glide 30km dans un air hyper calme, à contempler ce magnifique paysage de coucher de soleil sur la Manche… Une dernière concentration s’impose avant de poser proche de l’eau, car ce n’est pas une plage qui m’attend, mais une fallaise de 100m de haut ! Il est donc hors de question de poser sous le vent de celle-ci, je trouve donc un beau champ fauché et pose sereinement à 500m du gouffre.
Mais c’était sans compter la dernière surprise de la journée ! La voile encore en bouchon, j’entend klaxonner au loin une Tesla blanche qui vient dans ma direction. Je m’imagine déjà un cultivateur furieux que j’ai piétiné son champ sur 3m carrés, quand je vois tout à coup la tête de Stephane Benoit sortir la tête par la vitre ! Et me voilà quelques instants plus tard à fêter ce vol avec cette petite famille qui m’ont tracké en voiture sur les 30 derniers kilomètres. Ils m’apprennent que nous avons été suivi sur le livetrack par énormément de parapentistes, dont l’efficacité au travail ce jour là a été grandement diminuée… Le camping car des Coupez arrivera quelques minutes plus tard, alors que je venais à peine de fermer mon sac.
Nous sommes cependant déçu de cette fin de journée car nous n’avons pas trouvé de Mac Do pour contenter Marie-Jo. Quel supplice ne fut pas de déguster des moules frites dans un resto en bord de mer en se remémorant ce vol incroyable avec mes amis Etienne et Marie-Jo ! Ce jour, j’ai donc battu mon record personnel, réalisé mon objectif des 300km, battu le record du site de Volmerange avec 351km et un posé en bord de mer ! Il semblerait même que je détienne également le record de France de distance en plaine avec une voile EnC ( à confirmer ). Des moments comme ça, il y en a peu dans une vie, alors je savoure l’ambiance…
Pour clore cette belle aventure, nous décidons de dormir sur place et de repartir le lendemain matin car je dois animer un mariage à 17h. Je trouve donc rapidement un Air BNB pas loin dans la campagne. Etienne et Marie-Jo dormirons un peu plus loin dans leur camping-car.
Le retour par l’autoroute nous aura laissé plus de 4h pour nous refaire ce vol d’une vie… qui restera à jamais gravé dans nos mémoires.